En 1640, il y a plus de dix ans que François de Malherbe est mort, mais il semble rester, pour Ragueneau, un maître incontesté :
Et toi, sur cette broche interminable, toi,
Le modeste poulet et la dinde superbe,
Alterne-les mon fils, comme le vieux Malherbe
Alternait les grands vers avec les plus petits...
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François de Malherbe, gravure du XVIe siècle (détail). Paris, B.N
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La place de Malherbe dans l'histoire de la littérature résulte autant de son activité de poète de cour, ou, comme on disait plus précisément, comme «poète du Louvre» que comme grammairien.
Il définit et enseigne ses principes de l'idéal poétique et reçoit régulièrement chez lui, non seulement des poètes, mais des gens de lettres occupés surtout de prose. À partir de ce moment, il ne sera plus seulement un maître de poésie, mais un maître de la langue. Malherbe défend une conception «artisanale» de la poésie, qui porte essentiellement sur la rigueur et la pureté de la forme: il invite le poète à n'exprimer que des thèmes éternels, considérés comme autant de prétextes à un usage précautionneux des rimes et des rythmes, dont l'harmonie ne peut provenir que d'un ordonnancement parfait. La combinaison des mètres et des rimes n'est pas pour lui un problème accessoire de l'art poétique, elle n'est pas davantage un jeu gratuit. Elle lui fournit le moyen d'affirmer sa pensée avec plus de force. Parallèlement, il milite en faveur d'une poésie nationale susceptible d'être comprise
par les crocheteurs de Port-au-foin, c'est-à-dire par les plus humbles sujets du roi*.
Et si Cyrano avait été plus raisonnable - la remarque vaut pour Christian, l'un et l'autre auraient pu dit à Roxane :
Vous m'étiez un trésor aussi cher que la vie :
Mais puisque votre amour ne se peut acquérir,
Comme j'en perds l'espoir, j'en veux perdre l'envie.
Seulement, il semble qu'ils étaient plus amoureux que Malherbe lui-même...
*D'après Poésie sur la Toile. (Voir lien)