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J'inventai six moyens de violer l'azur vierge !

Acte III, scène 13

Les cinq premiers moyens sont extraits de L'Autre Monde ou Estats et Empires de La Lune et le sixième des Etats et empires du Soleil. Seul le septième est dû à la seule imagination d'Edmond Rostand.


1) Les fioles de cristal



Au début du récit, le narrateur imagine le moyen de s'élever dans les airs :



        Â« Je m'étais attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, et la chaleur du soleil qui les attirait m'éleva si haut, qu'à la fin je me trouvai au-dessus des plus hautes nuées. Mais comme cette attraction me faisait monter avec trop de rapidité, et qu'au lieu de m'approcher de la lune, comme je prétendais, elle me paraissait plus éloignée qu'à mon partement, je cassai plusieurs de mes fioles, jusqu'à ce que je sentis que ma pesanteur surmontait l'attraction, et que je redescendais vers la terre.

        Mon opinion ne fut point fausse, car j'y tombai quelque temps après, et à compter de l'heure que j'en étais parti, il devait être minuit. »





Je pouvais, mettant mon corps nu comme un cierge,

Le caparaçonner de fioles de cristal

Toutes pleines des pleurs d'un ciel matutinal,

Et ma personne, alors, au soleil exposée,

L'astre l'aurait humée en humant la rosée !




(Vers 1647 - 1651)







2) La sauterelle à ressort



Le narrateur s'est retrouvé en Nouvelle France (l'actuel Canada). Cet échec ne le décourage pas, et il fait une nouvelle tentative pour atteindre la lune dans un engin volant :



        Â« J'avais fait une machine que je m'imaginais capable de m'élever autant que je voudrais en sorte que rien de tout ce que j'y croyais nécessaire n'y manquant, je m'assis dedans et me précipitai en l'air du haut d'une roche. Mais parce que je n'avais pas bien pris mes mesures, je culbutai rudement dans la vallée.

        Tout froissé néanmoins que j'étais, je m'en retournai dans ma chambre sans perdre courage, et je pris de la moelle de boeuf, dont je m'oignis tout le corps, car j'étais meurtri depuis la tête jusqu'aux pieds et après m'être fortifié le coeur d'une bouteille d'essence cordiale, je m'en retournai chercher ma machine. Mais je ne la trouvai point, car certains soldats, qu'on avait envoyés dans la forêt couper du bois pour faire le feu de la Saint-Jean, l'ayant rencontrée par hasard, l'avaient apportée au fort, où après plusieurs explications de ce que ce pouvait être, quand on eut découvert l'invention du ressort, quelques-uns dirent qu'il fallait attacher autour quantité de fusées volantes, pour ce que, leur rapidité l'ayant enlevée bien haut, et le ressort agitant ses grandes ailes, il n'y aurait personne qui ne prît cette machine pour dragon de feu.

        Je la cherchai longtemps cependant, mais enfin je la trouvai au milieu de la place de Québec, comme on y mettait le feu. La douleur de rencontrer l'?uvre de mes mains en un si grand péril me transporta tellement, que je courus saisir le bras du soldat qui y allumait le feu. Je lui arrachai sa mèche, et me jetai tout furieux dans ma machine pour briser l'artifice dont elle était environnée ; mais j'arrivai trop tard, car à peine y eus-je les deux pieds que me voilà enlevé dans la nue.

        L'horreur dont je fus consterné ne renversa point tellement les facultés de mon âme, que je ne me sois souvenu depuis de tout ce qui m'arriva en cet instant. Car dès que la flamme eut dévoré un rang de fusées, qu'on avait disposées six à six, par le moyen d'une amorce qui bordait chaque demi-douzaine, un autre étage s'embrasait, puis un autre ; en sorte que le salpêtre prenant feu, éloignait le péril en le croissant. La matière toutefois étant usée fit que l'artifice manqua ; et lorsque je ne songeais plus qu'à laisser ma tête sur celle de quelque montagne, je sentis (sans que je remuasse aucunement) mon élévation continuer, et ma machine prenant congé de moi, je la vis retomber vers la terre. »





Ou bien, machiniste autant qu'artificier,

Sur une sauterelle aux détentes d'acier,

Me faire, par des feux successifs de salpêtre,

Lancer dans les prés bleus où les astres vont paître !



(Vers 1656 - 1659)







3) La moelle



Abandonné par sa machine, le narrateur devrait normalement retomber au sol? Heureusement, un nouveau phénomène va le préserver d'une fin tragique :



        Â« Cette aventure extraordinaire me gonfla le c?ur d'une joie si peu commune, que ravi de me voir délivré d'un danger assuré, j'eus l'imprudence de philosopher là-dessus. Comme donc je cherchais des yeux et de la pensée ce qui en pouvait être la cause, j'aperçus ma chair boursouflée, et grasse encore de la moelle dont je m'étais enduit pour les meurtrissures de mon trébuchement ; je connus qu'étant alors en décours, et la lune pendant ce quartier ayant accoutumé de sucer la moelle des animaux, elle buvait celle dont je m'étais enduit avec d'autant plus de force que son globe était plus proche de moi, et que l'interposition des nuées n'en affaiblissait point la vigueur. »





Puisque Phoebé, quand son acte est le moindre,

Aime sucer, ô boeufs, votre moelle... m'en oindre !



(Vers 1662 - 1663)







4) La fumée



Parvenu sur la lune, le narrateur découvre le paradis terrestre, et y rencontre des personnages de la Bible. Avant de lui raconter sa propre histoire, le prophète Elie lui raconte celle des premiers voyageurs qui ont atteint la lune. C'est, pour commencer, l'aventure du sage Enoch. C'est en faisant des holocaustes, sacrifices d'animaux brûlés en offrande à Dieu, que l'idée lui est venue du moyen de s'élever dans les airs pour atteindre la lune :



        Â« Toutefois, comment aller [dans la lune] ? L'échelle de Jacob n'était pas encore inventée ! La grâce du Très-Haut y suppléa, car elle fit qu'Enoch s'avisa que le feu du ciel descendait sur les holocaustes des justes et de ceux qui étaient agréables devant la face du Seigneur, selon la parole de sa bouche : « L'odeur des sacrifices du juste est montée jusqu'à moi. »

        Un jour que cette flamme divine était acharnée à consumer une victime qu'il offrait à l'Éternel, de la vapeur qui s'exhalait il remplit deux grands vases qu'il luta hermétiquement, et se les attacha sous les aisselles. La fumée aussitôt qui tendait à s'élever droit à Dieu, et qui ne pouvait que par miracle pénétrer le métal, poussa les vases en haut, et de la sorte enlevèrent avec eux ce saint homme. »





Puisque la fumée a tendance à monter,

En souffler dans un globe assez pour m'emporter !



(Vers 1660 - 1661)







5) L'aimant



Après avoir raconté l'histoire d'Echab, passagère de l'Arche de Noé, Elie narre enfin son propre voyage dans la lune.



        Â« Je m'endormis et l'ange du Seigneur m'apparut en songe. Aussitôt que je fus éveillé, je ne manquai pas de travailler aux choses qu'il m'avait prescrites ; je pris de l'aimant environ deux pieds en carré, que je mis dans un fourneau, puis lorsqu'il fut bien purgé, précipité, et dissous, j'en tirai l'attractif calciné, et le réduisis à la grosseur d'environ une balle médiocre.

        Ensuite de ces préparations, je fis construire un chariot de fer fort léger et, de là à quelques mois, tous mes engins étant achevés, j'entrai dans mon industrieuse charrette. Vous me demandez possible à quoi bon tout cet attirail ? Sachez que l'ange m'avait dit en songe que si je voulais acquérir une science parfaite comme je la désirais, je montasse au monde de la lune, où je trouverais dedans le paradis d'Adam, l'arbre de science, parce qu'aussitôt que j'aurais tâté de son fruit mon âme serait éclairée de toutes les vérités dont une créature est capable. Voilà donc le voyage pour lequel j'avais bâti mon chariot. Enfin je montai dedans et lorsque je fus bien ferme et bien appuyé sur le siège, je ruai fort haut en l'air cette boule d'aimant. Or la machine de fer, que j'avais forgée tout exprès plus massive au milieu qu'aux extrémités, fut enlevée aussitôt, et dans un parfait équilibre, à cause qu'elle se poussait toujours plus vite par cet endroit. Ainsi donc à mesure que j'arrivais où l'aimant m'avait attiré, et dès que j'étais sauté jusque-là, ma main le faisait repartir. »





Enfin, me plaçant sur un plateau de fer,

Prendre un morceau d'aimant et le lancer en l'air !

Ça c'est un bon moyen : le fer se précipite,

Aussitôt que l'aimant s'envole, à sa poursuite ;

On relance l'aimant bien vite, et cadédis !

On peut monter ainsi indéfiniment !



(Vers 1664 - 1669)







6) Le coffre en icosaèdre



        Â« Je construisis la machine que je vais vous décrire. Ce fut une grande boîte fort légère, et qui ferait fort juste. Elle était haute de six pieds ou environ, et large de trois en carré. Cette boîte était trouée par en bas ; et par-dessus la voûte qui l'était aussi, je posai un vaisseau de cristal troué de même, fait en globe, mais fort ample, dont le goulot aboutissait justement et s'enchâssait dans le pertuis que j'avais pratiqué au chapiteau.

        Le vase était construit en plusieurs angles, et en forme d'icosaèdre (à vingt côtés), afin que, chaque facette étant convexe et concave, ma boule produisît l'effet d'un miroir ardent [?] Le vide qui surviendrait dans l'icosaèdre à cause des rayons unis du soleil par les verres concaves attirerait, pour le remplir, une furieuse abondance d'air, dont ma boîte serait enlevée. »





Et je pouvais encore

Faire engouffrer du vent pour prendre mon essor,

En raréfiant l'air dans un coffre de cèdre

Par des miroirs ardents, mis en icosaèdre !



(Vers 1652 - 1655)







7) La marée



Et le dernier, dû à la seule imagination d'Edmond Rostand :



A l'heure où l'onde par la lune est attirée,

Je me mis sur le sable ? après un bain de mer ?

Et la tête partant la première, mon cher,

- Car les cheveux, surtout, gardent l'eau dans leur frange ! ?

Je m'enlevai dans l'air, droit, tout droit, comme un ange.





(Vers 1674-1679)





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•  Les voyages de Savinien

•  Texte intégral du Voyage dans la Lune et de l'Histoire comique des états et empires du Soleil

•  Quelques explications sur les romans


Publié le 03 / 03 / 2007.


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